Savez-vous pourquoi Louis Laforge, présentateur du Grand Soir 3, articule aussi dis-tinc-te-ment ? La raison en est plutôt touchante : il pense à sa maman, malentendante. Il sait qu’en procédant ainsi, il l’aidera à mieux comprendre ce qu’il dit.
Bien évidemment, toutes les personnes dans la même situation que Madame Laforge Mère bénéficieront de son effort… L’histoire ne dit pas si cela participe à faire plus d’audience pour le JT du soir de France 3 ; mais une chose est sûre : au moins une personne se sent moins exclue du monde que nous partageons tous, et c’est déjà énorme.
Cette anecdote illustre à merveille deux constats que je fais régulièrement.
D’abord, bien souvent, l’envie de faire l’effort de l’accessibilité résulte d’un lien personnel, avec un membre de sa famille, un ami, un collègue, un inconnu croisé sur un forum… Pas nécessairement un lien très fort, mais il doit provoquer au moins une révélation : celle qu’il y a des gens pour qui les choses évidentes pour soi (comme naviguer sur le Net) sont plus difficiles, voire impossibles.
Et cette révélation, pour être productive, doit être suivie d’une seconde : qui que l’on soit, quelque soient nos moyens, nous pouvons y faire quelque chose. Ce que fait Louis Laforge, chaque soir, est à la portée de tous. Nul besoin de potasser des montagnes de documentation, ou de se former pendant des années, ni même de dépenser un centime. Il a suffi dans le cas présent de faire preuve d’empathie, et de bon sens. Et bien sûr, d’activer ses maxillaires !
Et il suffit de réfléchir un peu pour trouver quelques idées à appliquer immédiatement. Par exemple, ma femme a le réflexe d’écrire plus gros sur les cartes postales pour nos parents – mieux vaut en dire moins, pour limiter les efforts des destinataires et ne pas ternir leur plaisir de recevoir une carte… Bien ranger les poubelles sur le côté, le plus près possible du mur pour laisser plus de passage sur le trottoir pour les fauteuils roulants et les poussettes ; ramasser les crottes de son chien (personne ne s’en plaindra, et surtout pas les gens en fauteuil roulant…) ; faire l’effort d’écrire correctement (orthographe, ponctuation, clarté…) dans ses e-mails, ses tweets, ses documents de tout ordre ; dans les diapos de ses présentations, proposer des textes lisibles et bien contrastés, en évitant le noir sur blanc ou le blanc sur noir (problématique pour certains cas de dyslexie)… Autant de précautions que nous pouvons tous appliquer quotidiennement, et qui seront autant de petites pierres sur le chemin d’un monde plus inclusif !
Allez, à vous de jouer maintenant : quelles autres idées, simples et pratiques, appliquez-vous au quotidien ?
Formateur, quand je suis devant une salle où je sais que se trouve une personne malentendante, je me débrouille pour parler le plus souvent tourné vers elle. Au premier contact avec un groupe, je ne manque pas de demander s’il y a des personnes daltoniennes (en cas de réponse positive, cela a deux avantages: celui de pouvoir ensuite leur demander quelles couleurs je dois éviter au tableau, et aussi d’un point très pratique de m’offrir une introduction toute trouvée si mon intervention porte sur l’accessibilité!). J’écris en quasi-script quand j’envoie un courrier manuscrit à une personne âgée. Il m’est arrivé aussi de remettre en place des poubelles que les éboueurs avaient laissées en face de bateaux de trottoir. C’est aussi marcher de façon un peu plus bruyante quand je vois une personne aveugle ou malvoyante qui n’a pas de chien-guide, et tout simplement m’écarter de son chemin. Quand j’aborde une personne aveugle ou malvoyante que je connais, je commence par la saluer en l’appelant par son nom, puis me présenter. Je ne laisse pas une porte à moitié ouverte dans un espace public (par exemple les toilettes…), mais soit fermée, soit juste entrebâillée un minimum (pour indiquer que les toilettes sont libres), soit complètement ouverte…
Il y a énormément de petites choses à faire (ou ne pas faire…), qui très souvent profitent à plus de monde que les seules personnes handicapées.
C’est vrai que des choses simples dans la vie quotidienne peuvent changer beaucoup de choses :
* ne pas rester et ne rien laisser dans le passage, dans les transports en commun;
* écrire suffisamment grand pour que personne n’ait de mal à lire;
* articuler clairement en parlant (beaucoup de monde oublie…).
Certaines choses sont plus spécifiques, par exemple ma compagne est extrêmement maladroite (du mal avec la préhension des objets) et fort peu patiente (et croyez-moi, ça peut être handicapant) : ranger les ustensiles de cuisine correctement, de façon à ce qu’ils soient saisissables facilement (sans s’accrocher à un autre ustensile, au tiroir, ou à n’importe quoi d’autre) la soulage réellement.
Éviter de ranger les choses importantes tout en bas ou tout en haut est également un réflexe agréable à long terme.
On peut faire tellement de choses simples qui profitent à tout le monde, il suffit d’y penser 🙂
Personnellement, je constate aussi que bon nombre de mes efforts pour l’accessibilité sont liées à des personnes que j’ai rencontrées (je crois même avoir fait la liste ici dans un autre de tes billets).
Pour les conférences, dans la mesure du possible (impossible avec certains systèmes de vidéo), je sous-titre systématiquement mes interventions. Non seulement c’est facile à faire avec Universal Subtitles, mais en plus ça me permet de voir à quel point je parle mal 🙂 (et en prime les malentendants aiment bien, petit bonus !)
Les contrastes, la nav clavier, c’est principalement pour moi, pour mes yeux fatigués et les piles fatiguées de ma souris (idem pour le bonus, mais pour d’autres).
Les textes suffisamment gros, c’est aussi pour moi, etc. 🙂