Ma lettre au Père Noël

Cher Père Noël,

Cette année, j’ai été bien sage. Enfin, ni plus ni moins que les années d’avant, mais comme ça fait un bail que je ne t’ai rien demandé, et que cette année, j’ai l’impression que tu vas pouvoir m’exaucer… Je me suis dit, comme ça : allez, on le tente. Et puis si par malheur t’existes pas (ce qui m’étonnerait franchement), il y aura peut-être quelqu’un qui lira cette lettre, et à qui ça donnera des idées ?

Donc, mon cadeau, que j’attends depuis longtemps – tu noteras que j’ai déjà largement assez patienté… Ce serait que l’accessibilité du Web devienne une réalité. Enfin, plus exactement, que ça sorte du domaine de l’exception défendue par une poignée d’elfes obstinés, et qu’on en trouve dans un maximum d’endroits où ça devrait juste se trouver : tous les sites et services Web qui servent vraiment dans la vie de tous les jours, pour acheter, s’informer, se divertir, communiquer… C’est sûr que ça en fait un paquet, mais d’un autre côté, les gens les utilisent, pas vrai ? Alors il faut qu’ils soient accessibles, sinon, à quoi bon ? Et aussi, il faudra le faire pour tous les documents électroniques (enfin, ceux qui sont lus par les vrais gens, hein), les vidéos (eh oui), et puis tant qu’à faire, les e-mails qui valent le coup d’être lus.

Bon, je sais que tu es très occupé, avec tes jouets par milliers et tout ça, donc je ne me fais pas d’illusions : je me doute bien que tu ne vas reprendre le code de milliards de pages Web, tagger à la main des tombereaux de PDF, ni même sous-titrer les siècles de vidéos qui seront mis en ligne d’ici Noël. Et puis ce ne serait pas juste de te refiler le boulot, ni même aux elfes mentionnés plus haut. Après tout, ce travail revient à ceux qui auraient dû le faire au départ, c’est-à-dire ceux qui mettent en ligne toutes ces belles choses jusqu’à présent réservées à ceux qui ont des yeux, une tête, des mains et des oreilles qui fonctionnent.

Or, de même qu’on ne peut pas faire boire un renne qui n’a pas soif, on ne fera pas faire ce travail à des gens qui n’en ont pas envie. Or, quand on en a vraiment envie, on trouve toujours moyen de le faire. C’est pour ça que je pense qu’il faut commencer par susciter cette envie de bien faire, pour son prochain, qui même s’il est anonyme et silencieux de l’autre côté de sa box ou de son mobile, est bel et bien là.

Des tas de gens très brillants se sont déjà penchés sur les moyens de créer cette envie. On a employé la menace, agité l’appât du gain, stimulé l’orgueil, titillé la culpabilité… De ma modeste expérience, le seul truc qui marche vraiment, qui fait que les gens embrassent cette envie avec sincérité et en font un objectif… c’est la conviction. La conviction que c’est ce qu’il faut faire, point. Pas à discuter, pas à ergoter, l’accessibilité ça va d’emblée avec l’acte de mettre en ligne, et pis c’est tout. Alors travaillons là-dessus.

Cette conviction sera presque toujours le fruit d’une rencontre entre une conscience, et une situation : la conscience de quelqu’un qui publie en ligne, et la situation d’un utilisateur qui galère sur un contenu ou un service numérique à cause de son inaccessibilité. Alors ces rencontres, il faut les provoquer. Et pas que de temps en temps, au détour d’une formation ou d’une conférence. Ça doit arriver constamment, partout… Pour ça, j’ai une idée : sur Terre on appelle ça la médiatisation. On a plein de moyens, chez nous de faire circuler une idée, une image ou une histoire. On est très fort pour montrer des chats rigolos à des millions d’yeux amusés, marteler des slogans dans des millions de cerveaux disponibles, ou encore, faire battre des millions de cœurs pour des événements d’une futilité désarmante. Alors ce serait juste formidable si, à une heure de grande écoute, on nous montrait des reportages sur ce qu’est l’accessibilité du Web, sans cacher les frustrations et les difficultés qui vont avec, mais en montrant surtout l’espoir que ça représente pour des tas de gens qui cesseront d’être anonymes… Avec un peu d’insistance, on finira bien par souffler à plein de gens l’idée qu’ils doivent agir, eux ou leurs collègues, et que d’ailleurs, ils peuvent agir, et ils vont le faire.

Il y a sûrement des tas d’autres moyens, je te laisse les choisir à ta guise. Ce qui compte, c’est que l’accessibilité du Web devienne suffisamment connue pour devenir banale. Normale. C’est ce qui peut lui arriver de mieux. Tout le reste suivra tout seul.

Présenté comme ça, ça a l’air d’un très très gros cadeau, ce que je demande là. Mais tu sais quoi ? Je sens qu’il y a un changement dans l’air. Déjà en 2013, en France, on a vu des administrations et des collectivités mettre beaucoup d’argent sur la table. On sait déjà qu’en 2014, tous les records d’investissement public dans l’accessibilité numérique seront battus dans ce pays. Il y a un vent nouveau, les elfes ont les oreilles qui frémissent.

Alors, Père Noël, un petit coup de pouce, s’il-te-plaît?… On compte sur toi.

Affectueusement, Olivier.

PS : Joyeux Noël !

 

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