5 questions à… Stéphane Deschamps

Au tour de Stéphane Deschamps (alias @notabene sur Twitter) de se plier au jeu des 5 questions. Dans le web en tant que pro depuis 1999, après « plein d’années » au Centre de Compétences Accessibilité chez France Telecom, il est aujourd’hui Responsable de Clever Garden (la partie front de Clever Age) « où il y a des designers, des inté super forts et même un expert Accessiweb, dis donc ! ». Il se déclare très attaché aux rencontres, plus encore qu’à la technique. Vous pourrez déguster sa prose sur son site Nota-Bene.org.

Pourquoi travailles-tu dans ce domaine ?

Dans le web tu veux dire, ou dans l’accessibilité ?

Si tu veux parler du web, c’est en grande partie parce que je suis tombé sur The Fray en 1996 : j’étais un peu geek et je lisais Webmonkey (le « web pour les nuls » de l’époque, si tu veux), j’y ai découvert Derek Powazek qui avait créé The Fray, un truc fou qui chaque fois demandait aux gens de s’exposer (ils devaient raconter une anecdote personnelle) et en même temps tentait des trucs techniquement. J’ai découvert très vite que l’endroit où on pouvait en même temps rencontrer des gens riches de tout et s’éclater techniquement, c’était dans le web. Dans le même temps, des potes m’ont harcelé (gentiment) en me demandant ce que je trouvais à mon travail, qui était assez ennuyeux et mal payé, et où je ne restais que par frilosité. J’ai alors tout plaqué, je suis monté à la grande ville et voilà.

Quant à l’accessibilité, ça doit dater de 2003 ou 2004. Je venais de refaire le code d’un site intranet chez France Télécom en tâchant de faire du code conforme (je venais de découvrir Openweb), et j’ai reçu un mail d’un collègue aveugle qui me disait merci, c’était la première fois qu’il trouvait un site accessible (autrement dit, lisible confortablement et sans point bloquant). C’est le moment où j’ai découvert le mot « accessibilité ». Un choc incroyable, qui a été suivi de huit ans dans une équipe spécialement dévolue à ça, et puis un très grand respect et une amitié pour toujours avec un autre Olivier, qui a été mon chef pendant toutes ces années.

Dans les deux cas, finalement, c’est lié aux gens et à la technique, hein ?

De quoi es-tu le plus fier ?

Peut-être d’avoir créé Paris Web avec Adrien et Éric, mais c’est presque un accident, finalement. On n’imagine pas que ça deviendra un truc comme ça, on veut juste pouvoir s’asseoir dans une salle de conférence et écouter les gens passionnants de ce milieu.

C’est vraiment une question difficile que tu me poses, là. J’ai toujours du mal à dire « je suis fier, » parce qu’on n’est jamais tout seul au final, donc on peut se féliciter de voir certaines choses marquantes arriver (et on doit s’en féliciter et féliciter les autres, c’est bon pour le moral !), mais on peut difficilement être fier, je trouve.

Il faudrait décider de faire une grande chose et y parvenir pour pouvoir dire « j’en suis fier, » et donc pour l’instant, je vais te dire que je suis simplement fier d’être rendu là, de n’avoir trahi personne, d’avoir rencontré tant de belles personnes (ça fait démago mais c’est véritablement ce que je pense), d’être reconnu par des gens qui ont tout mon respect, aussi. Ce n’est pas rien. Oui, voilà, fier d’en être rendu là malgré le syndrome de l’imposteur.

En fait je suis, surtout, toujours sur le qui-vive et curieux de voir ce que je serai dans dix ans.

Si tu étais Ministre de l’Accessibilité Numérique, tu commencerais par quoi ?

Ouh là là, vaste question. Je ne sais pas, peut-être simplement faire débloquer par le gouvernement ce fameux budget formation que le décret d’application de la loi sur l’égalité des chances évoque vaguement mais bon, c’est un serpent de mer au final.

(J’ai la flemme, là tout de suite, de remettre les références du décret d’application et de la loi sur l’égalité des chances, mais je suis sûr que les lecteurs de ton blog savent de quels textes je veux parler !)

Ma deuxième mesure serait de faire une grande tournée de sensibilisation avec des utilisateurs handicapés, et rencontrer un maximum de monde. Quand on identifie que des vraies personnes bénéficieront de l’accessibilité qu’on met dans son travail, on a plus naturellement tendance à faire l’effort.

Pour toi, quel avenir pour l’accessibilité ?

Elle est encore perçue comme une charge, comme une contrainte. Pour moi il faut continuer à se battre, pas forcément comme des suffragettes enragées (bien qu’elles aient fini par avoir gain de cause, les suffragettes, quand on y pense) mais en persuadant doucement les décideurs. Les progrès sont très lents, mais ça avance.

Vue d’un décideur, l’accessibilité reste un sujet parmi plein d’autres, souvent moins prioritaire que le design et la performance, par exemple. C’est à nous de leur faire prendre conscience, à terme, que c’est un sujet tout aussi important.

Pour moi il faudra toujours des spécialistes, parce que nos métiers sont de plus en plus riches et complexes et il est illusoire de penser qu’une personne saura tout faire et sera bonne en tout.

Donc, en résumé, l’avenir de l’accessibilité : toujours des experts, et avec un peu de chance moins d’énergie dévolue à évangéliser et donc plus de temps disponible pour le travail d’expertise lui-même.

Si tu avais carte blanche pour t’attaquer au projet de ton choix, tu choisirais quoi ?

J’aimerais bien faire un jour un genre de référentiel de code accessible. En gros, prendre le RGAA ou les WCAG, et faire un inventaire des composants qu’on demande aux agences web, puis les réaliser en conformité avec les WCAG. Il n’y aurait plus alors pour des intégrateurs qu’à copier/coller le code pour s’en inspirer, l’adapter aux sites le cas échéant, mais avoir des fondations solides.

Du coup non seulement on n’identifierait pas l’accessibilité comme un surcoût, mais en plus on partirait d’une base accessible plutôt que de penser tardivement à l’accessibilité comme c’est le plus souvent encore le cas.

Bon, et toi, tu réponds quoi à toutes tes questions ? Ça nous intéresse aussi 🙂 [sourire].

3 réflexions au sujet de « 5 questions à… Stéphane Deschamps »

  1. AH! Sacripant, va…
    Ça serait bizarre de s’auto-interviewer, mais de fait, je me pose souvent ces questions, et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai lancé cette série d’interviews, ça m’intrigue de savoir ce qui anime mes frères et soeurs d’armes, quels sont leurs rêves, leurs ambitions…
    Bon, je vais voir ce que je peux faire! Mais priorité aux autres (et d’abord j’ai eu l’idée le premier!)…

  2. hahaha !
    Mr Deschamps, vos réponses m’interpellent, je crois que ce sera cocasse de comparer quand les miennes seront visibles !
    je fais du teasing, hein [clin :d’oeil] 😉
    merci Olivier de cette chouette et intéressante initiative.

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