En accessibilité, les bonnes intentions ne suffisent pas toujours

Tu es en fauteuil roulant ? Tu aimes les sensations fortes ? Alors viens te garer ici !

Description détaillée ci-après.

Sur cette photo, nous voyons une place de parking ornée du logo qui indique qu’elle est réservée aux personnes handicapées (le logo est difficilement visible car un peu défraîchi, mais il y est). Elle est ceinte d’une palissade en tôle sur le côté droit, à l’avant et à l’arrière ; le côté gauche, sur la chaussée, est laissé ouvert.

Cette place de parking a été bricolée au dernier moment, comme sous l’effet du remords, en bordure d’un chantier de construction. La place d’origine, à proximité de deux cabinets médicaux, était aménagée sur un trottoir plus large. Le chantier débordant jusqu’à la chaussée, il a été jugé bon de préserver cette place… et les consciences.

Seulement voilà: cette place est impraticable, et même dangereuse.

D’abord, il n’est plus possible de descendre du côté passager, que l’on soit valide ou non, la palissade empêchant l’ouverture des portières.

Ensuite, en descendant côté conducteur, on s’expose directement à la circulation. Que l’on soit conducteur ou passager à l’arrière, descendre de véhicule en situation de mobilité réduite, ou en fauteuil, prend du temps. Danger, stress, pression des automobilistes… bon courage. On notera au passage que ce problème se posait déjà avec la place d’origine…

Une fois sorti, pour rejoindre l’abri du trottoir le plus proche, il faut parcourir une bonne quinzaine de mètres sur la chaussée. Chose qui peut prendre du temps pour certaines personnes.

Enfin, les véhicules de transport de personnes à mobilité réduite sont parfois des utilitaires qui permettent de descendre les personnes ou les équipements (fauteuils électriques en particulier) par l’arrière, sur des rampes. Impossible ici, sans dégagement derrière le véhicule, à cause de la palissade.

On le voit, un peu d’observation logique conduit à comprendre immédiatement l’inutilité, voire la nocivité, d’un tel dispositif.

Au final, on se retrouve avec la situation suivante :

  • Les responsables du chantier pensent avoir fait ce qu’il faut ;
  • Ils se sont donnés de la peine pour contourner l’emplacement avec la palissade, qui du coup leur a coûté un brin plus cher que s’ils l’avaient faite droite ;
  • Les usagers peuvent s’estimer floués ; voire, penser qu’on se paye leur tête. Beaucoup, cependant, ne diront rien, estimant qu’ils n’ont pas à se plaindre dès lors qu’une bonne volonté a été manifestée ;
  • Je ne sais pas si des gens se sont plaints, mais la place a finalement été « avalée » par le chantier. Je n’ai pas vu de place réservée aménagée ailleurs en compensation.

Au bilan : gaspillage, frustration, perte de confiance réciproque. Pas terrible.

Pour faire bien, et tout de suite, il aurait fallu réfléchir un peu en amont. Travailler de concert avec la municipalité ou le Conseil Général (la rue concernée est un tronçon d’une route départementale). Et surtout, prendre en compte les besoins des usagers. Je n’ai aucune compétence en aménagement de voirie ; ma seule expérience consiste en l’observation de gens en fauteuil, ou de personnes âgées, en train de descendre d’une voiture. Je suis d’ailleurs certain qu’il y a plein d’aspects de la question qui m’ont échappé. Pourtant il ne m’a pas fallu réfléchir longtemps pour identifier quatre problèmes majeurs, qui anéantissent l’intention de départ. Un effort d’imagination somme toute très raisonnable.

C’est peut-être là qu’est le problème : oser penser aux gens, oser se projeter et faire preuve d’un peu d’empathie. Ne serait-ce que pour ne pas se lancer au hasard, et reconnaître qu’il faut se faire aider quand on ne maîtrise pas un sujet.

Pourquoi relater cette anecdote dans un blog qui parle d’accessibilité numérique ? C’est parce que ce domaine regorge de fausses bonnes idées, qui comme cet emplacement inutile mais symbolique, tranquillise les consciences des gens qui n’ont pas besoin d’accessibilité. Versions vocales de contenus, versions « pour déficients visuels », transcriptions de vidéos fournies sous forme de PDF ou… de modules Flash (ne riez pas, je l’ai vu, de mes yeux), et j’en passe. Autant de béquilles aussi efficaces que si elles étaient en mousse, parce qu’elles ne tiennent pas compte du besoin réel des utilisateurs qu’elles sont sensées satisfaire. Et qui génèrent gaspillage, frustration, et perte de confiance…

Une réflexion sur « En accessibilité, les bonnes intentions ne suffisent pas toujours »

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